Des fraises des bois aux fraises géantes actuelles Dans le cadre du nouveau programme de TS

Niveau concerné : TS obligatoire
Parties du programme concernées : Thème 1A : À l’issue de la fécondation, la fleur se transforme en fruits contenant des graines.Pistes : Étude d’hormones végétales et de leurs actions sur la croissance.
Thème 2B : Les techniques de croisement permettent d’obtenir de nouvelles plantes qui n’existaient pas dans la nature (nouvelles variétés, hybrides, etc.).
Comment expliquer la différence de taille entre les fraises géantes vendues sur les marchés et les fraises des bois ?

Objectifs :

 Recenser, extraire et exploiter des informations pour comprendre l’augmentation de taille.
 Imaginer et réaliser une validation expérimentale.

Matériel :

 une fraise des bois Fragaria vesca et une fraise géante par binôme
 un fraisier en fleur de type remontant (en fleur d’avril aux premières gelées d’automne) par binôme (culture possible en lycée : voir en annexe 1)
 loupe binoculaire pour le dessin de fleur, fruit ;
 microscope pour l’observation de chromosomes.
 (scalpel, auxine pour valider l’hypothèse 2 si mise en place d’un deuxième TP)

Capacités travaillées :

 Observation, schématisation, rédaction par traitement de texte illustré
 Formaliser l’intérêt de la fraise des bois (témoin ayant évolué sans sélection) pour pouvoir ensuite identifier les modifications sélectionnées par les agronomes à partir de leur ancêtre commun.
 Rechercher les caractéristiques d’une fraise, les points communs avec la fleur dont elle est issue.
 Imaginer des hypothèses et les protocoles de validation correspondants.
 Réaliser le protocole retenu parmi les protocoles proposés.
 Prendre des photos et les analyser avec MESURIM (logiciel gratuit téléchargeable)

Démarche :

 Observation à l’aide d’une loupe binoculaire d’une fraise et d’une fleur. Identification des parties de la fraise en comparant avec les parties de la fleur => schémas
 Comparaison des fraises des bois et des géantes, observations de fruits difformes car privés d’une partie des akènes, prise de photos puis mesures réalisées avec MESURIM => résumé avec photos légendées.
 Coloration puis observation au microscope de pointes racinaires avec cellules en mitose => comptage du nombre de chromosomes avec MESURIM => résumé illustré de photos légendées.
 Proposition d’hypothèse(s) pouvant expliquer cette différence de taille.

Hypothèse 1 : le fruit serait plus gros par amélioration génétique avec croisement contrôlé

 A valider par exploitation des documents 1 et 2.

Document 1 :

La fraise actuelle, telle que nous la connaissons est le résultat de croisements de fraises sauvages des Amériques. En 1714, l’officier du Génie maritime Amédée-François Frézier revient d’une mission d’espionnage des ports espagnols au Chili et au Pérou pour le Roi soleil. Botaniste à ses heures, il a repéré des fraisiers à gros fruits que l’on cultive au Chili, dits Blanches du Chili (Fragaria chiloensis). Frézier réussit à en rapporter 5 plants stériles qu’il confie à Antoine de Jussieu pour le Jardin royal.
 Quelques plantations sont envoyées en Bretagne au jardin botanique de Brest et trouvent dans ce climat océanique, proche de celui de leur biotope d’origine, un milieu favorable à leur culture. En 1740, le botaniste Antoine Nicolas Duchesne observe que de beaux fruits sont obtenus lorsqu’un fraisier du Chili est cultivé près d’un fraisier de Virginie (Fragaria virginiana). Ce croisement spontané, qui se produit notamment en Bretagne, en Angleterre et aux Pays-Bas, est à l’origine d’un nouvel hybride qui associe la saveur de Fragaria virginiana et la grosseur du fruit de Fragaria chiloensis. Cet hybride possède de plus un parfum d’ananas à l’origine de son nom botanique : Fragaria ananassa Duch. Cette nouvelle espèce octoploïde avec un génome de 8x = 56 chromosomes. Cet hybride est à l’origine de l’essentiel des variétés de fraises à gros « fruits » actuelles.
 (x = nombre de chromosomes de tailles différentes dans une cellule, par exemple, 8 fois 7 chromosomes = 56 chromosomes)
 Fiche « fraisier » http://www.inra.fr/internet/Directions/DIC/presinra/SAQfiches/fraise.htm

Document 2 : Apparition de polyploïdie


 Une cellule polyploïde (du grec : πολλαπλόν multiple) contient des chromosomes homologues en quantité supérieure à 2. Elle est dite triploïde (3x), tétraploïde (4x), pentaploïde (5x), hexaploïde (6x)...
La polyploïdie peut être la conséquence d’une anomalie de mitose spontanée ou d’une anomalie provoquée par un choc thermique ou un choc chimique (colchicine qui inhibe la polymérisation des fibres du fuseau achromatique ; caféine qui inhibe la cytokinèse). Dans ces cas, les chromatides ne se séparent pas, il n’y a pas d’anaphase. Au lieu de donner 2 cellules filles diploïde, la cellule mère donne une seule cellule tétraploïde
 La polyploïdie peut aussi être la conséquence d’une anomalie de méiose spontanée ou provoquée :
L’autopolyploïde est d’origine monophylétique, les chromosomes portant les mêmes gènes sont homologues, ils pourront s’apparier en prophase. Les autoplolyploïdes sont les agrumes, les plantes fourragères (trèfles, luzernes, dactyle, ray-grass), pomme de terre européenne, betterave…
 L’allopolyploide est d’origine polyphylétique, les chromosomes portant les mêmes gènes sont homéologues, ils ne pourront pas s’apparier en prophase. Les alloplolyploïdes sont le prunier domestique, le blé tendre ou dur, l’avoine, le fraisier, le colza et autres Brassica…
 La fertilité initiale des polyploïdes est très variable mais souvent faible. Après sélection, cette fertilité peut être rapidement améliorée, mais elle reste souvent inférieure à celle de leurs progéniteurs.
Les tailles des noyaux étant augmentées, le volume des cellules suit cette tendance.
 Le phénomène de polyploïdie est fréquent dans le règne végétal mais assez rare dans le règne animal. Des animaux polyploïdes sont cependant utilisés dans l’industrie alimentaire car ils sont plus gros (poissons, huitres). Le rat-viscache Tympanoctomys barrerae, vivant au Chili est le premier mammifère polyploïde découvert en 1999).

=> Construction des schémas correspondant aux 2 documents :

 mitose normale et mitose en présence de colchicine pour le document 1.
 gamètes issus de méiose anormale et cellule-œuf en résultant pour le document 2.

Hypothèse 2 : le fruit serait plus gros par production d’auxine

  A valider par protocole expérimental.

Protocole 1 : Culture de fraisier et observation du développement des fruits :
  après suppression des akènes sur la moitié du réceptacle floral.
  après suppression des akènes sur la totalité du réceptacle floral.
  après suppression des akènes sur la totalité du réceptacle floral puis application d’auxine sur le réceptacle.

Résultats : Si on retire une partie des akènes (vrais fruits) en début de formation, le faux-fruit (réceptacle floral) se développe peu dans la partie sans akène comme le montre l’expérience de Nitsch sur le rôle des akènes réalisée en 1950. L’application d’auxine rétablit le développement de la fraise privée d’akène.

Protocole 2 : Mesure de la concentration d’auxine dans les fraises.
 L’auxine, molécule relativement stable, peut être détectée :
 grâce à des d’anticorps, cependant ils sont peu spécifiques et très onéreux (plusieurs centaines d’euros).
 par des machines très sophistiquées, spectromètre de masse (LC-MS) ce qui implique la mise au point de sa purification ou bien par chromatographie haute performance (HPLC) et détection grâce à la fluorescence naturelle de la molécule.
 à très faible dose par un moyen indirect mettant en jeu sa propriété de gravitropisme :
http://biologie.univ-mrs.fr/upload/p210/1_auxines.pdf :
 "Expériences de Paál" : l’apex coupé du semis est décalé. Il pourrait éventuellement être remplacé par un fragment de fraise obtenu dans les deux conditions.
 ou expérience de "dosage de l’auxine par diffusion (Went 1926)" plus complexe à mettre en œuvre.

Annexe 1 : conseils de culture du fraisier


 http://www.le-jardin-potager.fr/plante-potager/fraisier.html
 En dehors de la fraise des bois qui peut se reproduire par les semences, on multiplie les autres variétés par division des racines ou par enracinement des stolons. Achetez des plants certifiés exempts de virus.
 Plantez dans une terre 1/3 sable, 2/3 terreau, bien drainée et ensoleillée, de pH de 5 à 7, mais idéalement de 6 à 6,5. Plantez en espaçant les plants de 45 à 60 cm pour les variétés à stolon.
La plante, qui a des racines superficielles, doit être irriguée régulièrement. Veillez tout particulièrement à arroser au moment de la plantation, au moment de la formation des stolons, durant la fructification et à la fin de l’été lorsque les bourgeons floraux qui donneront la récolte de l’année suivante se forment. Éclaircissez les stolons enracinés de façon à ce qu’ils soient espacés de 15 cm. À l’automne, coupez et éliminez les nouveaux stolons et les feuilles des plants afin de réduire les risques de maladie.
Bien qu’il s’agisse de vivaces, remplacer les pieds tous les 3 ou 4 ans, relance le rendement.
 Certaines variétés remontantes se cultivent facilement sur un balcon en pleine ville. Des jarres percées de plusieurs ouvertures ou des sachets de plastique à suspendre, percés eux aussi, conviennent parfaitement à ce type de culture.

Annexe 2 : Informations complémentaires menant à des élargissements possibles

Polyploïdisation :
 Elle peut apparaître spontanément dans des espèces sauvages par accident de mitose. Durant les années 1930, la colchicine a été utilisée pour provoquer artificiellement la plolyploïdisation.

Hormones végétales :
 Un article de la revue forestière française Hormones fongiques ectomycorhizes et rhizogénèse a une introduction sur les rôles de l’auxine très didactique.

Rôle précis de l’auxine dans le développement des fruits :
 La morphogenèse végétale et l’environnement
 Description de la mise en œuvre de l’Expérience de Paál adaptable à la fraise.
 La transition fruit immature/fruit mature : analyse globale des profils transcriptomiques

L’isolement reproductif :
 Si une des deux plantes fleurit tôt en saison alors que l’autre fleurit plus tard, elles ne pourront jamais se croiser dans ces conditions. C’est l’isolement saisonnier.
 La polyploïdie est aussi une forme d’isolement reproductif. Nous avons donné l’exemple des fraisiers, dont nous tirons avantage de la polyploïdie afin de produire des fruits plus gros. Mais il est très peu probable que la méiose d’un polyploïde donne un gamète viable. Si, par extraordinaire, un plant de fraise polyploïde est croisé avec un autre plant apparenté diploïde, le plant résultant sera de toute façon stérile. En conséquence, il est impossible d’obtenir une nouvelle plante à partir de l’hybride obtenu d’un tel croisement. Ainsi l’équilibre génétique de la population polyploïde est assuré.
 À long terme, cet isolement reproductif peut mener à la production de nouvelles espèces.

La domestication par sélection artificielle :
 La sélection naturelle, proposée par Darwin pour expliquer l’évolution des espèces, est le processus qui, à échelle de temps géologique, permet aux organismes adaptés à leur milieu de mieux se reproduire.
 Dans le cas de la sélection artificielle qui engendre des changements à échelle de temps biologique, on provoque le croisement d’organismes possédant des caractères désirés, hypertrophie des organes récoltés, rendement, précocité, uniformité, facilité de conservation et utilisation, goût et couleur.
 La domestication d’une espèce est la sélection non raisonnée de caractères héréditaires, impliquant la protection, propagation, récolte, conservation, et extension des cultures. Le but de la domestication est la production alimentaire, plus rarement les loisirs ou les pratiques culturelles.

Fiche pour le professeur proposée par Joëlle MIRABAUD, corrigée par Corine ENARD de l’INRA.

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